Peace for the Soul

A common space for harmonic peacemakers

Très touchant

Un soir de l'été 1930. La scène se passe à Chessy-sur-Marne, dans la maison du docteur Sabouraud, le père de Cécile. Les deux garçons, Laurent et Mathieu, ont alors cinq et quatre ans. La famille vient de recevoir une lettre d'une cousine de Jean, qui vit au Kenya, et écrit que l'ambassadrice de Belgique a recueilli un petit éléphant dont la mère a été tuée par des chasseurs. Au chevet de Mathieu qui a mal au ventre, Cécile s'empare de cette anecdote pour inventer, sur le champ, une histoire à lui raconter. Emballé par ce récit, Mathieu s'empresse de le rapporter à son frère et les deux garçons finissent par se précipiter auprès de leur père. Et c'est ainsi que Jean de Brunhoff, pour faire plaisir à ses fils, entreprend de prolonger cette histoire et de confectionner un album en pliant une grande feuille de papier... Au départ, il n'avait l'intention que de faire quelques dessins, mais il s'est pris au jeu et, très vite, découvre qu'il aime écrire et prend plaisir à se confronter à un objet radicalement nouveau pour lui. Il passe de la surface plane et unique de la toile à la structure complexe de l'objet-livre où l'espace doit être utilisé pour raconter conjointement par le texte et l'image. A l'instar de nombre d'artistes, c'est un hasard qui l'a mis sur le chemin de son œuvre. Ce premier album l'a révélé à lui-même. Et, après ce déclic, la machine va s'emballer.

Il va enchaîner les albums. Le premier, Histoire de Babar, le petit éléphant, est publié en 1931. Jean de Brunhoff a travaillé sur un grand format (26,5 x 37). D'après la légende familiale, Hachette aurait refusé d'en être l'éditeur au motif que le livre serait trop cher. Pour venir en aide à Jean, la famille décide alors de publier l'album aux éditions du Jardin des modes, créées pour l'occasion. Vendu 35 francs, il se situe effectivement parmi les albums les plus chers de l'époque, mais il connaît immédiatement un très grand succès. Encouragé, passionné par ce qu'il fait, Jean de Brunhoff enchaîne avec un second album qui sera publié l'année suivante, Le voyage de Babar, une sorte de roman d'aventures et de mise à l'épreuve du héros : le petit éléphant est-il vraiment digne d'être roi ? Réponse : oui ! Dans la foulée, il enchaîne encore sur Le roi Babar, un album plus statique, une sorte d'utopie qui tente d'ouvrir les enfants à ce que pourrait être une société idéale. Ce troisième livre paraît en 1933. Et là, l'auteur est en panne. Il ne sait pas quoi faire. Il a raconté ce qu'il avait à raconter.

Les trois albums reçoivent un large écho et les deux premiers ont été immédiatement traduits aux Etats-Unis. Pour profiter de ce succès et pallier son manque d'inspiration Jean de Brunhoff décide alors de publier un abécédaire, l'A.B.C. de Babar, qui renvoie à un genre extrêmement ancien, non narratif, dans lequel il se coule facilement. Et l'album, publié en 1934, rencontre à nouveau son public ! Après cet intermède, l'inspiration revient et Brunhoff entame un livre, qui pour moi est un chef-d'oeuvre, Les vacances de Zéphir, qui évacue les personnages de la trilogie précédente et met en scène un petit singe qui apparaissait à la fin du Roi Babar. Ce personnage, d'apparence légère, agile, lui donne d'abord la possibilité d'une autre esthétique, l'aérien, le vertical, à la différence de l'éléphant qu'il faut toujours ancrer au sol. Zéphir est léger, souple, virevoltant. Mais surtout Brunhoff imagine une aventure guidée par l'émotion amoureuse. C'est le premier exemple que je connaisse dans la littérature enfantine française d'une rêverie amoureuse pour sujet principal. Le titre prend ainsi un double sens. Les vacances de Zéphir, ce sont également les vacances de l'esprit. On dit souvent que Max et les maximonstres de Maurice Sendak est le premier grand livre qui met en scène l'intériorité enfantine. Il date de 1963, mais antérieurement il y a eu Les vacances de Zéphir.

Cet album est publié par Hachette en décembre 1936, l'auteur est alors dans la pleine maîtrise de son art, mais c'est, malheureusement, le moment où il fait une rechute, victime d'une forme particulière de tuberculose qui se développe parfois chez d'anciens malades. Jean de Brunhoff meurt le 16 octobre 1937, à l'âge de 37 ans. Pendant les derniers mois, au sanatorium, il avait travaillé, dans des conditions évidemment difficiles, pour répondre à une commande d'un journal anglais, le Daily Sketch. Il s'agissait de deux nouvelles aventures de Babar destinées à être livrées en feuilleton. Celles-ci, Babar en famille et Babar et le Père Noël, seront respectivement publiées en albums en 1938 et 1941. Ces deux livres n'ont ni la virtuosité, ni l'inventivité des précédents. Surtout le dernier. Mais, malgré ses défauts, il est extrêmement émouvant et il est facile de le lire comme un texte testamentaire. Au fond, Babar va mourir, il a troqué son habit avec le Père Noël, procédant à une sorte d'échange de magie : je m'en vais, mais je suis toujours là, comme le Père Noël. Jean de Brunhoff aura ainsi conçu sept albums en sept ans dans une violente impulsion créatrice et probablement un fort sentiment d'urgence.

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Réponses à cette discussion

Nous avons eu des albums de Babar comme enfants:-)

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